Genèse de l'école

Genèse de l’école évoquée par la fondatrice de ce concept, Mme Rosette Bousquet

Il est nécessaire d’évoquer la genèse de cette école, creuset de notre travail actuel pour appréhender ce dernier.

L’association de ces singularités, troubles d’apprentissage et/ou haut potentiel est en fait au départ due au hasard d’une rencontre avec eux au sein d’une école qui les accueillait sans le savoir…

Ce travail totalement empirique au début et que j’ai coutume de revendiquer comme tel, a commencé en ce qui me concerne dans les années 80. A cette époque, j’ai rejoint une petite école privée Niçoise, le C.R.P.S, fondée en 1960 par un homme exceptionnel, sans qui rien n’eût été possible et à qui je rends hommage : M. Paul Rochet, psychologue. Il accueillait, selon sa formule, « des enfants d’intelligence normale ou plus en échec scolaire ». J’ai découvert peu à peu que ces enfants, recrutés selon ces deux principaux critères, étaient pour la plupart précoces ou dyslexiques, ou précoces et dyslexiques et présentaient souvent d’autres troubles associés tel qu’un déficit attentionnel important. (Quant aux autres enfants, minoritaires, un vécu social et/ou familial avait induit l’échec scolaire). Ainsi, parmi ces enfants marginalisés par l’échec scolaire, les exclus du système, « intelligents ou plus », cadre posé par M. Rochet, se trouvaient réunis ces oubliés de la pédagogie officielle des années 80. Pourquoi ce type d’élèves, intelligents, certes, mais apparemment si différents étaient-ils tous naufragés du système officiel ? C’est ainsi que j’ai découvert « les troubles dys » liés ou non à la précocité intellectuelle et que, peu à peu, j’ai dû m’adapter et repenser mon enseignement. Ce fut le point de départ de la pédagogie en constante évolution que nous professons aujourd’hui depuis cette époque.

 

A l’époque, on évoquait peu la possibilité d’un trouble d’apprentissage lié à la précocité, au mieux, on constatait le trouble, mais on ne faisait pas le lien avec l’échec, seule la précocité était mise en cause. L’opinion courante sur les « surdoués » terme utilisé à ce moment-là, était leur inadaptation au système, certes, mais due à un « haut potentiel » (terme actuel) incompatible avec la pédagogie habituelle, on évoquait, entre autres, « l’ennui en classe », une réalité certes mais qui me semblait insuffisante à justifier une grande partie des échecs scolaires observés chez ces enfants particuliers. Quant aux troubles d’apprentissage « dys », c’était le domaine réservé des orthophonistes. Au sein de l’éducation nationale, à cette époque, le vide était impressionnant (les choses changent aujourd’hui, la prise de conscience est évidente). Comment aider ces enfants à apprendre ? J’étais d’autant plus isolée que je me suis heurtée, à l’époque, à l’incompréhension, voire l’hostilité de certains professionnels, pire encore des soupçons sur l’honnêteté de cette démarche : « comment peut-on mélanger des dyslexiques et des précoces ? », « Comment peut-on imaginer qu’un précoce puisse être dyslexique ? » Mais convaincue de la réalité de mes observations « j’osais » donc obstinément continuer à affirmer qu’il existait « des précoces-dys » (terme que j’utilise depuis plus de 25 ans) et que la précocité ne pouvait expliquer à elle seule l’échec scolaire d’un pourcentage conséquent d’élèves à haut potentiel, que cette précocité était en fait trop souvent l’arbre qui cache la forêt : depuis une vingtaine d’années je répète à qui veut l’entendre que grâce justement à l’intelligence de ces enfants, un trouble d’apprentissage parfois grave sera longtemps masqué par la mise en place de stratégies compensatoires qui se révèleront tôt ou tard insuffisantes et conduiront inévitablement à l’échec (en général on voit arriver ce type d’enfant en 5e) échec d’autant plus incompris qu’il touche un enfant précoce. Actuellement ceci est enfin reconnu et avéré. J’observe donc aujourd’hui avec intérêt le mouvement actuel sur une idée qui en choquait tant à l’époque. Mes anciens élèves, devenus adultes, et leurs parents témoins de cette période difficile, me comprendront.

Résignée à l’absence d’expériences pédagogiques de l’époque sur ces difficultés, je décidai donc de m’y consacrer, dans un total isolement au début mais soutenue par M. Rochet puis en équipe. Un long travail d’observation, de remises en question au quotidien, d’ajustements successifs de ce travail pédagogique : travail laborieux en simple pédagogue de terrain mais fermement décidée à combler un vide pour ces enfants en souffrance.

En 1995, M. Rochet, directeur de l’établissement depuis 1960, décéda brutalement, il avait juste eu le temps durant l’année 1994 de décider de me transmettre la direction de l’école.

Au-delà du vide immense qu’il laissait, il fallait réagir… Ainsi, tout en restant fidèle au vœu de M. Rochet, « accueillir des enfants  intelligents ou plus en échec scolaire », j'ai donc décidé d’amplifier mon travail pédagogique en ciblant uniquement les enfants précoces avec ou sans troubles d’apprentissage. Ceux-là même qui m'ont aidée et m'aident encore à construire un enseignement différent.

Démarche empirique, il me fallait continuer à ouvrir un chemin auquel personne ne croyait au début si ce n’étaient mes élèves et leurs parents. Je dois beaucoup à tous ces enfants, aujourd’hui devenus des hommes et des femmes qui ont gardé d’ailleurs, pour la plupart un contact avec leur école, ce sont eux qui ont balisé, indiqué la direction que j'ai suivie. Ces enfants, adultes aujourd’hui, ont été mes guides et mes professeurs et si cette école existe c’est grâce à eux et pour eux. Je les en remercie tous infiniment, élèves d’hier et d’aujourd’hui, ils sont ainsi plusieurs centaines à avoir construit à mes côtés un travail qui, je l’espère, servira à d’autres générations d’enfants. Je me suis contentée d’être à leur écoute et de chercher des solutions ; ils m'ont apporté leur souffrance, leurs difficultés, un immense désir de vaincre et un bien précieux : leur confiance.
La mise au point de ce travail est avant tout une aventure humaine vécue au sein d’une petite école improbable. 

Aujourd’hui, ce travail est reconnu en particulier sur Nice, par des professionnels vers lesquels l’école peux diriger les élèves pour une prise en charge optimale car si l’école tente d’offrir une pédagogie adaptée, elle ne peut remplacer les spécialistes des troubles spécifiques que sont la dyslexie, la dyspraxie, la dyscalculie, le déficit attentionnel. Toute l’équipe travaille en complémentarité et en contact permanent avec ces professionnels indispensables. De plus, l'école accueille depuis quelques années, à leur demande, des étudiants, futurs psychologues, orthophonistes, intéressés par cette expérience pédagogique singulière.